De nombreux artistes contemporains travaillent en collaboration avec d'autres personnes pour réaliser leurs œuvres. Les animations amusantes de David Shrigley qui invitent à la réflexion constituent une partie essentielle de sa pratique. Dans cet entretien, son animateur Jimi Newport nous explique le processus impliqué et révèle comment se passe la collaboration avec David Shrigley.

Pour quelle raison avez-vous voulu devenir animateur, et comment avez-vous commencé ?

Au départ, je n'avais pas prévu d'être animateur, mais mon intérêt pour les dessins-animés, les bandes-dessinées et les romans graphiques semblait toujours influencer mes dessins, mes griffonnages et mes créations.

Ma première révélation est venue avec l'apparition des logiciels d'animation numérique. À l'aide de Flash et After Effects, mais aussi de Photoshop et d'Illustrator, j'ai trouvé des manières de reproduire les techniques d'animation en 2D dans un format numérique – enfin, la plupart du temps !

La première fois que j'ai travaillé avec David c'était chez Slinky Pictures à Brick Lane, à Londres. On m'a fait venir avec d'autres animateurs indépendants pour travailler sur un ensemble de films d'animation viraux pour Internet, ce qui était relativement nouveau à l'époque. Comme David et moi nous sommes très bien entendus, j'ai eu la chance de continuer à travailler avec lui de façon indépendante.

Sur quelles animations avez-vous collaboré avec David ? Et laquelle était votre préférée ?

J'ai eu la chance de collaborer avec David sur la plupart de ses films d'animation depuis 2006. Il est difficile d'en choisir un, mais le film Walker a été particulièrement stimulant et gratifiant. Ce film a été créé pour l'exposition Curtain Call de Ron Arrad en 2011 à la Roundhouse de Londres, dans laquelle un personnage animé géant marche autour d'un rideau à LED projeté à 360 degrés.

En plus des difficultés liées à l'animation d'une figure pour créer une boucle parfaite, ce film devait fonctionner à très grande échelle, et sur plusieurs projecteurs. Ce fut un immense défi à relever pour David et moi, et le fait de voir la réaction au personnage géant se déplacer autour de cet espace légendaire fut une sensation extraordinaire.

Comment faites-vous pour animer un dessin composé de simples traits en collaboration avec David ?

Pour animer un dessin composé de simples traits, il faut dessiner les poses ou les actions clés du personnage ou de l'objet puis dessiner plusieurs poses intermédiaires afin de créer un mouvement fluide. L'illusion de mouvement est créée lorsque tous ces dessins sont lus à un rythme de 25 images par seconde.

Le processus de collaboration implique une grande confiance. David m'envoie généralement par e-mail l'idée de départ avec des dessins et une description écrite, parfois aussi avec des sons. Je reçois ensuite des commentaires réguliers de la part de David sur les versions des travaux en cours de l'animation.

Le processus est assez itératif et parfois l'animation évolue en essayant différentes choses. Ce n'est pas toujours un développement linéaire.

David Shrigley about animator
Processus de création de Headless Drummer. Étape 1 : Au début, David m'a fourni ces fichiers images avec un mp4 de quelqu'un jouant de la batterie, avec une image de référence expliquant la configuration d'une batterie (afin que je puisse distinguer les éléments). L'illustration de David indique clairement les positions clés des bras du batteur lorsqu'il frappe certains éléments.
David Shrigley about animator
Processus de création de Headless Drummer. Étape 2 : J'anime le mouvement du bras et des jambes du batteur, ainsi que les éléments de la batterie, image par image.
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Processus de création de Headless Drummer. Étape 3 : Il y a plusieurs dessins d'image unique pour les mouvements des bras et les coups de cymbales.

Comment arrivez-vous à conserver le style distinctif de l'artiste dans l'animation ?

C'est l'un des aspects les plus difficiles du processus d'animation, mais en général, lorsque vous créez une animation en dessinant dans un certain style pendant plusieurs jours, vous commencez naturellement à adopter une partie de ce style et de cette esthétique.

Pour finir, si David n'est pas satisfait du résultat ou si j'ai du mal à trouver la bonne pose, je lui demande de me soumettre un dessin à utiliser ou à tracer.

Comment et à quel moment l'élément sonore est-il intégré ?  

Dans l'idéal, le son est enregistré soit au début soit lors des phases initiales étant donné que cela peut déterminer le rythme du film ou le ressenti de l'animation, en particulier s'il y a un personnage au premier plan.

Parfois, il est enregistré à la fin et l'animation est ajustée au besoin, mais dans ce cas, je travaille en général en utilisant une « piste de guidage » enregistrée par David ou dans certains cas par moi-même.

Quelles difficultés les plus importantes rencontrez-vous dans ce genre de travail ?

C'est souvent lorsqu'il s'agit de trouver la bonne action ou le bon mouvement qui pourraient sembler simples à première vue.

Dans Laundry, David m'a demandé d'animer un cheval au galop avec de la boue qui éclabousse son corps, et de plus en plus recouvert de boue à mesure qu'il galope. Même si cela avait l'air assez simple, c'était en fait très élaboré et complexe. Les petits mouvements lents peuvent être particulièrement difficiles à réussir.

Avec David, il est toujours important de faire en sorte que l'animation soit en adéquation avec son univers et son style ; le fait d'animer de façon excessive ou d'embellir quelque chose semblerait tout de suite déplacé.

Que pensez-vous du travail de David Shrigley ?

En général, le travail de David me fait rire ou ricaner. Il est difficile de trouver un équilibre entre l'humour et les images qui suscitent la réflexion ou vous interpellent, mais son travail allie les deux et peut aller droit au but ou révéler des niveaux de signification.

Je pense que c'est ce qui permet à son travail de toucher de nombreuses personnes, contrairement à de nombreuses autres œuvres d'art.

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